1. Marx et Engels posent les bases de l’analyse du système capitaliste

Textes de bases du PCm

Parti Communiste Maoïste (PCm)

I. Marxisme-Léninisme-Maoïsme

1. Marx et Engels posent les bases de l’analyse du système capitaliste

   À la moitié du XIXème siècle, la classe ouvrière émergeait comme une classe à part entière. Après les différentes révolutions bourgeoises qui secouèrent le monde aux XVIIème et XIXème siècles, Marx et Engels ont analysé la montée de cette classe et surtout son rôle historique. Ils ont ainsi démontré que la bourgeoisie était passée d’une classe progressiste (par son rôle dans l’abolition du féodalisme) à une classe réactionnaire, ne pouvant plus être la force motrice du progrès social. Ce rôle historique révolutionnaire était maintenant passé entre les mains du prolétariat.

   Le développement du capitalisme créait son propre fossoyeur : le prolétariat. Pour remplir son rôle historique, le prolétariat devait devenir une classe à part entière, avoir sa propre idéologie, ses propres objectifs et ses propres outils. C’est ce à quoi Marx et Engels travaillèrent en analysant la société à partir d’une méthode qu’ils ont eux-mêmes développé : le matérialisme dialectique qui, rapporté à l’histoire, est le matérialisme historique.

   Grâce à cet outil d’analyse le plus précieux pour la classe ouvrière, en quelque sorte sa grille de lecture du monde et de l’ensemble des phénomènes sociaux, Marx et Engels vont alors développer la base des outils nécessaires au prolétariat pour comprendre le développement de la société, son histoire, la nature de l’Etat et les tactiques et stratégies à développer en conséquence pour faire avancer l’Humanité toute entière.

   Ce développement de la théorie scientifique révolutionnaire du prolétariat ne s’est pas déroulée pacifiquement. Marx et Engels ont dû mener des luttes idéologiques contre les tendances bourgeoises et petite-bourgeoises au sein du mouvement ouvrier, comme le socialisme utopique qui refusait la révolution violente et se tournait vers la noblesse et la bourgeoisie comme classes pouvant aider à la révolution une fois « éclairées » ; comme le blanquisme qui pensait pouvoir renverser le système grâce à la conspiration d’un petit nombre d’éléments conscients et déterminés ; comme le proudhonisme qui refusait toute autorité et prônait la construction d’un système alternatif pacifiquement par le biais de coopératives, de banques d’échanges, etc. ; comme le trade-unionisme qui s’opposait à la lutte politique et restreignait la lutte à des revendications pour l’amélioration des conditions de vie du prolétariat ; comme les Lassaliens qui voyaient l’Etat comme au-dessus de la société, s’opposant donc à la révolution violente et à la dictature du prolétariat ; et tous les autres courants non-prolétariens.

   C’est particulièrement au sein de la Ière Internationale que ces luttes se déroulèrent. Mais après sa dissolution, Marx et Engels continuèrent à mener la lutte pour la construction, l’affirmation et la défense du marxisme au sein de la IIème Internationale, notamment contre les Lassaliens qui voyaient l’Etat comme au-dessus de la société, s’opposant donc à la révolution violente et à la dictature du prolétariat, et contre tous les autres courants non-prolétariens, tâche que Lénine prendra également entre ses mains.

1. Sur le front philosophique

   Le point de départ de Marx et Engels dans l’élaboration de la philosophie marxiste est la philosophie classique allemande, la plus avancée à leur époque. La dialectique a principalement été développée par Hegel. Le fondement de la dialectique est la loi universelle du mouvement perpétuel, que toute chose ou phénomène a un début et une fin. Marx et Engels, en disciples de Hegel, en conclurent que la lutte contre la réalité –l’enrichissement d’une infime minorité sur le dos d’une immense majorité, la domination de la bourgeoisie sur l’ensemble des masses populaires, etc.- procédait également de cette loi du mouvement. Mais la dialectique de Hegel restait idéaliste. En bref, il affirmait la primauté de l’esprit sur la nature : à partir du développement de l’esprit et des idées, la philosophie de Hegel déduisait le développement de la nature, de l’humanité et des rapports sociaux au sein de la société. Marx et Engels vont rétablir ce tort en partant d’un point de vue matérialiste.

   Ce point de vue matérialiste, ils l’ont tiré en partie de Feuerbach, qui rejetait l’idéalisme de Hegel, mais qui rejetait également la dialectique. Le point de vue matérialiste, à l’inverse du point de vue idéaliste, affirme que la matière prime sur l’esprit, ce qui signifie que nos pensées sont le reflet de l’ensemble des phénomènes –sociaux et naturels- de la société dans laquelle nous vivons, de ce qui nous entoure, de la matière.

a) La dialectique matérialiste

   Pour Marx et Engels, la dialectique matérialiste est le cœur de la théorie révolutionnaire du prolétariat. Pour Marx, la dialectique est la « science des lois générales du mouvement, tant du monde extérieur que de la pensée humaine. » C’est la théorie qui permet de comprendre le mouvement de toutes choses et phénomènes (nature, société, pensées,…), leur évolution. Mais surtout, c’est une théorie en prise avec la réalité. La dialectique marxiste trouve sa plus grande signification dans la pratique. C’est ainsi qu’au début de 1844, Marx écrit l’article Contribution à la critique de la philosophie de droit de Hegel dans lequel il affirme :

   « Sans doute, l’arme de la critique ne peut-elle remplacer la critique des armes, la puissance matérielle ne peut être abattue que par la puissance matérielle ; toutefois la théorie devient, elle aussi, force matérielle, dès qu’elle s’empare des masses. » « La philosophie trouve dans le prolétariat ses armes matérielles comme le prolétariat trouve dans la philosophie ses armes intellectuelles. »

Ce propos est également illustré par la célèbre phrase :

   « Les philosophes n’ont fait qu’interpréter diversement le monde, il s’agit maintenant de le transformer. »

Marx, Thèses sur Feuerbach, 1845

   La dialectique marxiste est donc matérialiste car elle a pour objet de comprendre la réalité objective pour pouvoir la transformer. Cela s’exprime par le couple dialectique nécessité/liberté où la liberté est en réalité la compréhension des nécessités, des lois objectives de la nature et des phénomènes, pour pouvoir transformer la réalité. Citant Hegel, Engels l’exprime ainsi :

   « […] la liberté est l’intelligence de la nécessité. ʺLa nécessité n’est aveugle que dans la mesure où elle n’est pas comprise.ʺ »

Engels, Anti-Dühring, 1878

   La dialectique comprend la théorie de la connaissance, le passage de l’ignorance à la connaissance, expliquant que tout peut être compris et expliqué, la connaissance étant relative, c’est-à-dire elle-même toujours en mouvement et soumise aux nouvelles découvertes, chaque phénomène se développant du simple au complexe.

   Marx et Engels ont posé trois principes généraux à la dialectique :

* La loi de l’unité des contraires et de leur lutte

   Toute chose est composée de deux aspects opposés. Ces derniers sont en lutte constante. C’est cette lutte permanente entre les deux aspects qui provoque le développement et le mouvement de toute chose. Par exemple, la société humaine est composée de deux aspects opposés : les oppresseurs et les opprimés. Selon la dialectique marxiste, c’est la lutte entre ces deux aspects opposés qui fait avancer l’histoire. C’est ainsi les causes internes qui sont responsables du développement, du mouvement des choses et phénomènes.

* La loi de la quantité et de la qualité

   Le développement de toute chose n’est pas linéaire mais s’opère par ruptures. Une certaine accumulation de quantité va se transformer en qualité, d’un seul coup, et l’évolution d’une chose s’effectuera par bonds. Par exemple, l’énergie accumulée par les plaques tectoniques pourra déclencher un séisme. Au niveau social, une accumulation d’exploitation pourra déclencher une révolte. Une fois ce saut qualitatif effectué, la qualité va à son tour se transformer en quantité, sur une base nouvelle. Le développement s’effectue ainsi en spirale et non en ligne droite ni en cercle.

* La négation de la négation

   L’ancien est tout d’abord nié et immédiatement dépassé par le nouveau, élevé à un niveau supérieur, en gardant une partie de l’ancien. Exemple : affirmation : la propriété privée des moyens de production permet à la classe bourgeoise de s’enrichir ; négation : il faut établir la propriété privée des moyens de production pour les ouvriers ; négation de la négation : la propriété des moyens de production doit être sociale, collective et appartiendra ainsi à chaque individu.

   Selon le principe maître de la dialectique que toute chose est transitoire, que tout a une fin et un début, Marx et Engels démontrent que le capitalisme a obligatoirement une fin et plus encore, qu’il sera dépassé par un système qui garantira la propriété à chaque individu des moyens de production sous la forme de la propriété collective. D’où le danger que représente la philosophie marxiste pour la bourgeoisie.

   La dialectique que Marx et Engels ont développé est une dialectique matérialiste. Elle se base sur l’étude de la réalité, de la pratique. Ainsi, la dialectique matérialiste enseigne que la réalité est conditionnée par l’environnement matériel et non par la pensée. En revanche, elle ne nie pas l’importance de la pensée mais la comprend de manière dialectique. C’est-à-dire que la pensée peut être transformée en force matérielle mais ne pourra avoir un effet sur le réel qu’en s’appuyant sur la réalité matérielle (voir également le couple dialectique nécessité/liberté). Par exemple, on peut vouloir changer le plomb en or mais on ne pourra le faire que si la structure moléculaire du plomb et les techniques accessibles permettent de le faire.

   Nous le verrons plus tard dans ce document, ces principes ont été approfondis et enrichis par la suite, notamment par Lénine puis Mao Tsé-Toung et ses fameux écrits De la pratique et De la contradiction.

   « Marx et moi fûmes sans doute à peu près seuls à sauver de la philosophie idéaliste allemande la dialectique consciente en la faisant passer dans notre conception matérialiste de la nature et de l’histoire. »

   « La grande idée fondamentale selon laquelle le monde ne doit pas être considéré comme un complexe de processus où les choses, en apparence stables, tout autant que leurs reflets intellectuels dans notre cerveau, les idées, passent par un changement ininterrompu de devenir et de dépérissement. »

   « Il n’y a rien de définitif, d’absolu, de sacré devant elle [la philosophie dialectique]. Elle montre la caducité de toutes choses et en toutes choses, et rien n’existe pour elle que le processus ininterrompu du devenir et du transitoire, de l’ascension sans fin de l’inférieur au supérieur dont elle est elle-même que le reflet dans le cerveau pensant. »

Marx et Engels dans Lénine, Karl Marx, 1914

b) La conception matérialiste de l’histoire

   Le matérialisme historique est l’application de la dialectique matérialiste à l’histoire, aux phénomènes sociaux. Ainsi, la conception matérialiste de l’histoire enseigne que l’évolution des phénomènes sociaux sont déterminés par les rapports sociaux, les rapports entre les différentes classes, ayant leurs racines dans le degré de développement de la production matérielle.

   Le matérialisme historique permet une compréhension de l’histoire et de l’évolution de l’humanité selon l’environnement matériel dans lequel elle s’inscrit et permet donc, selon une analyse concrète des situations concrètes, d’établir une ligne politique révolutionnaire correcte pour changer la réalité matérielle.

   « Dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles.

L’ensemble de ces rapports de production constitue la structure économique de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociales déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie social, politique et intellectuel en général. Ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur être ; c’est inversement leur être social qui détermine leur conscience. À un certain stade de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en contradiction avec les rapports de production existants, ou, ce qui n’en est que l’expression juridique, avec les rapports de propriété au sein desquels elles s’étaient mues jusqu’alors. De formes de développement des forces productives qu’ils étaient ces rapports en deviennent des entraves. Alors s’ouvre une époque de révolution sociale. Le changement dans la base économique bouleverse plus ou moins rapidement toute l’énorme superstructure. Lorsqu’on considère de tels bouleversements, il faut toujours distinguer entre le bouleversement matériel – qu’on peut constater d’une manière scientifiquement rigoureuse – des conditions de production économiques et les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques ou philosophiques, bref, les formes idéologiques sous lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le mènent jusqu’au bout.

Pas plus qu’on ne juge un individu sur l’idée qu’il se fait de lui-même, on ne saurait juger une telle époque de bouleversement sur sa conscience de soi ; il faut, au contraire, expliquer cette conscience par les contradictions de la vie matérielle, par le conflit qui existe entre les forces productives sociales et les rapports de production. Une formation sociale ne disparaît jamais avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir, jamais des rapports de production nouveaux et supérieurs ne s’y substituent avant que les conditions d’existence matérielles de ces rapports soient écloses dans le sein même de la vieille société. C’est pourquoi l’humanité ne se pose jamais que des problèmes qu’elle peut résoudre, car, à y regarder de plus près, il se trouvera toujours, que le problème lui-même ne surgit que là où les conditions matérielles pour le résoudre existent déjà ou du moins sont en voie de devenir. À grands traits, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne peuvent être qualifiés d’époques progressives de la formation sociale économique. Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme contradictoire du processus de production sociale, contradictoire non pas dans le sens d’une contradiction individuelle, mais d’une contradiction qui naît des conditions d’existence sociale des individus ; cependant les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour résoudre cette contradiction. Avec cette formation sociale s’achève donc la préhistoire de la société humaine. »

Marx, Préface de la Critique de l’économie politique, 1859

   Les grandes avancées du matérialisme historique sont en premier lieu d’avoir recherché l’origine des mobiles idéologiques de l’activité historique des hommes dans la compréhension des lois objectives du développement du système des rapports sociaux qui eux-mêmes prennent racines dans le degré de développement de la production matérielle ; et en deuxième lieu en mettant au premier plan l’action des masses de la population. Voilà ce qu’explique Lénine dans sa présentation du marxisme destinée à une encyclopédie :

   « Le marxisme a frayé le chemin à l’étude globale et universelle du processus de la naissance, du développement et du déclin des formations économiques et sociales en examinant l’ensemble des tendances contradictoires, en les ramenant aux conditions d’existence et de production, nettement précisées, des diverses classes de la société, en écartant le subjectivisme et l’arbitraire dans le choix des idées « directrices » ou dans leur interprétation, en découvrant l’origine de toutes les idées et des différentes tendances, sans exception, dans l’état des forces productives matérielles. Les hommes sont les artisans de leur propre histoire, mais par quoi les mobiles des hommes et plus précisément des masses humaines sont-ils déterminés ? Quelle est la cause des conflits entre les idées et les aspirations contradictoires ? Quelle est la résultante de tous ces conflits de l’ensemble des sociétés humaines ? Quelles sont les conditions objectives de la production de la vie matérielle sur lesquelles est basée toute l’activité historique des hommes ? Quelle est la loi qui préside à l’évolution de ces conditions ? Marx a porté son attention sur tous ces problèmes et a tracé la voie à l’étude scientifique de l’histoire conçue comme un processus unique, régi par des lois, quelles qu’en soient la prodigieuse variété et toutes les contradictions. »

Lénine, Karl Marx, 1914

2. Tactique et stratégie du prolétariat

   Dans Ce que sont les amis du peuple, Lénine explique que le marxisme s’assigne « pour tâche de mettre en lumière toutes les formes d’antagonisme et d’exploitation dans la société contemporaine, de suivre leur évolution, de démontrer leur caractère transitoire, leur transformation inévitable en une autre forme, et d’aider par là le prolétariat à en finir aussi vite et aussi facilement que possible avec toute exploitation. […] Ainsi, pour Marx, la tâche expresse de la science est de donner la vraie parole de la lutte, c’est-à-dire de savoir présenter avec objectivité cette lutte comme le produit d’un système déterminé de rapports de production ; de savoir comprendre la nécessité de cette lutte, son contenu, la marche et les conditions de son développement. » Lénine précise en outre que l’objectif général de cette lutte est la suppression complète et définitive de toute exploitation et de toute oppression.

a) La lutte de classe

   La théorie de la lutte de classe découle directement de la conception matérialiste de l’histoire. C’est le conflit entre les classes sociales de chaque époque qui a été le moteur de l’histoire, le facteur principal du développement de l’humanité.

   Ainsi, dans l’analyse de la lutte de classe, Marx et Engels se sont penchés sur l’étude de la société humaine depuis ses origines.

   « L’histoire de toute société jusqu’à nos jours [excepté l’histoire des communautés primitives, ajoutera plus tard Engels] n’a été que l’histoire de la lutte des classes.

Homme libre et esclave, patricien et plébéien, baron et serf, maître de jurande et compagnon, en un mot oppresseur et opprimés, en opposition constante ont mené une guerre ininterrompue, tantôt dissimulée, tantôt ouverte, une guerre qui finissait toujours soit par une transformation révolutionnaire de la société toute entière, soit par la destruction des deux classes en lutte. […]

La société bourgeoise moderne n’a pas aboli les antagonismes de classes. Elle n’a fait que substituer de nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de lutte à celles d’autrefois. Cependant le caractère distinctif de notre époque, de l’époque de la Bourgeoisie, est d’avoir simplifié les antagonismes de classes. La société se divise de plus en plus en deux vastes camps opposés, en deux grandes classes directement ennemies : la Bourgeoisie et le Prolétariat. »

Marx et Engels, Manifeste du Parti Communiste, 1847
– souligné par nous

   Mais plus encore, la théorie de la lutte de classe nous permet d’affirmer que seul le prolétariat est en opposition directe et totale avec les intérêts de la bourgeoisie et que c’est donc la seule classe révolutionnaire jusqu’au bout.

   « Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd’hui contre elle-même. Mais la bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort : elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes – les ouvriers modernes, les prolétaires. »

« De toutes les classes qui, à l’heure actuelle, se trouvent face à face avec la Bourgeoisie, seul le prolétariat est une classe vraiment révolutionnaire. Les autres classes périclitent et périssent avec la grande industrie ; le prolétariat, au contraire, en est le produit le plus spécial. »

« Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, combattent la bourgeoisie parce qu’elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires mais conservatrices ; qui plus est, elles sont réactionnaires ; elles demandent que l’histoire fasse machine arrière. Si elles agissent révolutionnairement, c’est par crainte de tomber dans le prolétariat, elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels ; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat. »

Manifeste du Parti Communiste

« […] en ce qui me concerne, ce n’est pas à moi que revient le mérite d’avoir découvert ni l’existence des classes dans la société moderne, ni leur lutte entre elles. Longtemps avant moi, des historiens bourgeois avaient exposé l’évolution historique de cette lutte des classes et des économistes bourgeois en avaient décrit l’anatomie économique. Ce que j’ai apporté de nouveau, c’est de démontrer : 1) que l’existence des classes n’est liée qu’à des phases historiques déterminées du développement de la production [historische Entwicklungsphasen der Produktion] ; 2) que la lutte des classes mène nécessairement à la dictature du prolétariat ; 3) que cette dictature elle-même ne représente que la transition à l’abolition de toutes les classes et à une société sans classes […] »

Extrait d’une lettre de Marx à Weydemeyer, 1852
cité dans Lénine, L’Etat et la Révolution, 1917

b) Le socialisme et la dictature du prolétariat

   Si Marx avance la nécessité d’une révolution politique pour aller vers le communisme, il avance également la nécessité d’une phase transitoire entre capitalisme et communisme. Il s’agit du socialisme. Cette nécessité du socialisme est directement issue de l’analyse de classe de l’Etat. Selon Marx, l’Etat est nécessairement un outil d’oppression, de domination, d’une classe sur une autre.

   « C’est ainsi que l’État antique était avant tout l’État des propriétaires d’esclaves pour mater les esclaves, comme l’État féodal fut l’organe de la noblesse pour mater les paysans serfs et corvéables, et comme l’État représentatif moderne est l’instrument de l’exploitation du travail salarié par le capital. »

Engels, L’origine de la famille, de la propriété privée et de l’Etat, 1884

   En d’autres termes, l’Etat en système capitaliste c’est l’outil de domination de la bourgeoisie sur le prolétariat. Sous le socialisme, l’État est l’outil de domination du prolétariat sur la bourgeoisie. Cela peut également se décliner ainsi :

   dictature de la bourgeoisie = démocratie pour la bourgeoisie = défense des intérêts de la classe bourgeoise /// dictature du prolétariat = démocratie pour le prolétariat = défense des intérêts de la classe du prolétariat

   Si la dictature du prolétariat est nécessaire, donc la conquête du pouvoir d’Etat, cela ne signifie pas qu’il faille se servir de l’Etat bourgeois comme outil. Analysant la Commune de Paris, Marx a été très clair que « la classe ouvrière ne peut pas se contenter de prendre telle quelle la machine de l’Etat et de la faire fonctionner pour son propre compte. » (Marx, La Guerre civile en France, 1871). Cela signifie donc que la dictature du prolétariat doit se construire sur les bases d’un Etat prolétarien, édifié par le prolétariat lui-même, en contradiction avec l’Etat bourgeois. Seul un tel outil permet d’avancer vers le socialisme.

   « Ce socialisme est la déclaration permanente de la révolution, la dictature de classe du prolétariat, comme point de transition nécessaire pour arriver à la suppression des différences de classes en général, à la suppression de tous les rapports de production sur lesquels elles reposent, à la suppression de toutes les relations sociales qui correspondent à ces rapports de production, au bouleversement de toutes les idées qui émanent de ces relations sociales. »

Marx, Les luttes de classes en France, 1850

   Cette définition du socialisme est claire ; c’est la transition qui permet de passer du capitalisme au communisme, ce dernier étant défini par 4 points principaux, liés les uns des autres : plus de classes sociales (société globale), plus de propriété privée des moyens de production (travail), plus d’exploitation de l’homme par l’homme (social) et plus d’idéologie réactionnaire (culture). Ainsi :

   « Dans une phase supérieure de la société communiste, quand auront disparu l’asservissante subordination des individus à la division du travail et, avec elle, l’opposition entre le travail intellectuel et le travail manuel ; quand le travail ne sera pas seulement un moyen de vivre, mais deviendra lui-même le premier besoin vital ; quand, avec le développement multiple des individus, les forces productives se seront accrues elles aussi, et que toutes les sources de la richesse collective jailliront avec abondance, alors seulement […] la société pourra écrire sur ses drapeaux : ʺDe chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoinsʺ. »

Marx et Engels, Critique des programmes de Gotha et d’Erfurt, 1875

   Cette définition est basée sur la relation dialectique entre la base économique et la superstructure (voir citation dans b) La conception matérialiste de l’histoire). La base économique représente de manière basique les rapports de production. Dans la société, il s’agit du capitalisme. La superstructure naît de (est déterminée par) ces rapports de production. Il s’agit du système politique, des lois, de la culture, etc. et donc, en dernière instance, de l’Etat.

   Le rôle de l’Etat dans la révolution, avant d’être développé par Lénine, a été clarifié par Engels :

   « Le premier acte dans lequel l’État apparaît réellement comme représentant de toute la société, – la prise de possession des moyens de production au nom de la société, – est en même temps son dernier acte propre en tant qu’État. L’intervention d’un pouvoir d’État dans des rapports sociaux devient superflue dans un domaine après l’autre, et entre alors naturellement en sommeil. Le gouvernement des personnes fait place à l’administration des choses et à la direction des opérations de production. L’État n’est pas “aboli”, il s’éteint. »

Engels, Socialisme utopique et socialisme scientifique, 1880

3. Économie politique marxiste

   Selon la conception matérialiste de l’histoire, le développement de la société s’explique sur la base des relations économiques et de leur développement. L’économie politique développée par Marx et Engels consiste donc à démontrer les relations entre les gens et non pas entre les choses, comme le faisaient les économistes bourgeois (les échanges de marchandises, etc.).

   Grâce à leurs recherches, dont l’aboutissement est Le Capital, Marx et Engels vont énormément apporter à l’économie politique et à la compréhension du fonctionnement du système capitaliste.

   « ʺLe but final de cet ouvrage, dit Marx dans sa préface au Capital, est de dévoiler la loi économique du mouvement de la société moderne ʺ, c’est-à-dire de la société capitaliste, de la société bourgeoise. L’étude des rapports de production d’une société donnée, historiquement déterminée dans leur naissance, leur développement et leur déclin, tel est le contenu de la doctrine économique de Marx. Ce qui domine dans la société capitaliste, c’est la production des marchandises ; aussi l’analyse de Marx commence-t-elle par l’analyse de la marchandise. »

Lénine, Karl Marx, 1914

   Ainsi, l’analyse économique marxiste démontre que le travailleur salarié n’est rien de plus pour le capitaliste qu’une marchandise (voir encadré ci-après) et que l’exploitation de cette marchandise « spéciale » est la base du profit des capitalistes grâce au surplus qu’elle produit (voir encadré ci-après).

   Dans l’analyse des rapports de production, Marx et Engels ont ainsi montré que la contradiction fondamentale du capitalisme est entre le mode de production socialisé (beaucoup travaillent pour produire) et la détention privée des moyens de production (une poignée s’enrichit par le travail des autres) soit la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie.

   « Le salarié à temps se transforma en salarié à vie. La foule des salariés à vie fut, de plus, énormément accrue par l’effondrement simultané du régime féodal, la dissolution des suites des seigneurs féodaux, l’expulsion des paysans hors de leurs fermes, etc. La séparation était accomplie entre les moyens de production concentrés dans les mains des capitalistes d’un côté, et les producteurs réduits à ne posséder que leur force de travail de l’autre. La contradiction entre production sociale et appropriation capitaliste se manifeste comme l’antagonisme du prolétariat et de la bourgeoisie. »

Engels, Anti-Dühring, 1878

   Le capitalisme, c’est la recherche absolue de profits individuels, privés. Cette recherche passe par l’obtention du taux de profit maximum. Comme l’augmentation du profit ne peut passer que par l’augmentation de la durée du travail et/ou la diminution du temps de production nécessaire, les capitalistes luttent pour exploiter le plus possible les prolétaires et/ou augmentent leur capacité de production par les innovations technologiques. Le plus convenable pour eux est d’utiliser des machines plus performantes afin de diminuer le temps de production nécessaire. Mais la plus-value tirée des machines n’est que relative. Seul le travail humain permet un taux de profit élevé. Ainsi, par l’utilisation plus grande de machines au détriment du travail humain, il s’ensuit une baisse tendancielle du taux de profit (voir encadré ci-après).

   Pour contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit, soit les capitalistes trouvent de nouveaux débouchés (tendance coloniale et guerres inter-impérialistes) ou augmentent l’exploitation. Cette dernière option signifie notamment une diminution des salaires réels, c’est-à-dire la baisse du pouvoir d’achat des travailleurs et donc de plus grandes difficultés pour les capitalistes d’écouler leur production. Ce sont les crises de surproduction du capitalisme.

   « On voit, dans les crises, la contradiction entre production sociale et appropriation capitaliste arriver à l’explosion violente. La circulation des marchandises est momentanément anéantie ; le moyen de circulation, l’argent, devient obstacle à la circulation ; toutes les lois de la production et de la circulation des marchandises sont mises sens dessus sens dessous. La collision économique atteint son maximum : le mode de production se rebelle contre le mode d’échange, les forces productives se rebellent contre le mode de production pour lequel elles sont devenues trop grandes. »

Engels, Anti-Dühring, 1878

   Ces crises ne peuvent être dépassées que par la résolution de la contradiction fondamentale du capitalisme.

   Marx a montré que le système capitaliste n’est pas la forme la plus parfaite, indépassable, de société mais représente en fait la phase actuelle du développement historique de la production. Il doit être dépassé par un nouveau système, plus évolué, qui représente un saut qualitatif pour l’humanité, caractérisé par l’élimination de toutes les distinctions de classe et une avancée continue des forces sociales de production : le communisme.

   Le communisme ne doit pas remplacer le capitalisme parce qu’il est « plus juste » mais parce que le capitalisme prépare le passage au communisme par le développement des forces de production et parce que la contradiction fondamentale, de base, du capitalisme continuera continuellement à provoquer chaos, crises et instabilités tant qu’elle ne sera pas résolue. Sa résolution ne peut être autre que l’abolition du système capitaliste de propriété privée des moyens de production et leur transformation en propriété commune de la société.

Les bases de l’économie marxiste

La valeur

   Ce qui règne dans la société capitaliste, c’est la production des marchandises. Ces marchandises sont des choses qui satisfont un besoin quelconque et qui peuvent s’échanger. On appelle valeur d’usage l’utilité d’une chose. On appelle valeur (d’échange) le rapport établi dans l’échange de marchandises (selon leurs valeurs d’usage) d’une espèce contre une autre.

   Le point commun de toutes les marchandises est d’être le produit du travail humain.

   La valeur d’une marchandise est déterminée par la portion de travail socialement nécessaire pour le produire.

   « En tant que valeur d’échanges toutes les marchandises ne sont que des mesures déterminées de temps de travail. »

Lénine, Karl Marx, 1914

   Au début du processus historique, la marchandise est échangée contre une quantité déterminée d’une autre marchandise (forme simple ou particulière de la valeur). Le caractère social du travail est parfaitement visible dans l’échange. Avec le développement de l’échange et de la production de marchandises, plusieurs marchandises sont échangées contre une seule et même marchandise : l’argent (forme générale, monétaire de la valeur). L’argent dissimule alors le caractère social du travail lors des échanges.

La plus-value

   La formule M (marchandise) – A (argent) – M (marchandise) (M-A-M) est la formule de la circulation des marchandises (vente d’une marchandise pour l’achat d’une autre de même valeur).

   La formule de transformation de l’argent en capital est : A-M-A’ (achat pour vente avec profit). Cet « accroissement » de l’argent forme le capital. Cet accroissement de la valeur primordiale, qui transforme l’argent en capital, s’appelle la plus-value. Le capital ainsi formé est un rapport social particulier de production.

   Seule la force de travail humain permet de créer de la plus-value : sa valeur d’usage est source de valeur ET son processus de consommation est un processus de création de valeur.

   Le possesseur d’argent achète cette force de travail à sa valeur déterminée par le temps nécessaire à sa reproduction (coût d’entretien de l’ouvrier et de sa famille). Il dépense également le coût d’entretien des moyens de production (machines, terrains, bâtiments,…).

   Le capital ainsi créé, ou capital total, est divisé en deux :

le capital variable (v, qui sert à payer la force de travail) ;

le capital constant (c, qui sert à payer les moyens de production).

   Par exemple, si le temps nécessaire à cet entretien est de 6 heures et que l’ouvrier travaille 12 heures (temps imposé par celui qui a acheté la force de travail), les 6 heures « supplémentaires » créent un produit « supplémentaire » : la plus-value.

Schématiquement cela donne :

   Pour exprimer le degré d’exploitation du travail par le capital (ou taux de la plus-value), il faut comparer la plus-value non pas au capital total (investissements et force de travail) mais au capital variable (force de travail). C’est-à-dire :

plusvalue2

   Reprenons notre exemple de 12h de production. 6 vont à la plus-value et 6 vont pour payer l’entretien (et des ouvriers et de leur famille et des moyens de production). On divise donc le capital en deux parties : 4h pour payer les salaires (capital variable) et 2h pour payer l’entretien des moyens de productions (capital constant). Ainsi, le taux de la plus-value est égal à pl/v=6/4=3/2=150 %.

   Le taux de profit s’exprime en revanche sur l’ensemble du capital soit :

plusvalue3

   Si on reprend notre exemple, le taux de profit est égal à pl/(v+c) =6/(4+2) =6/6=100 %.

   Pour que le capitalisme se développe, il a fallu une accumulation primitive. C’est-à-dire accumuler une certaine somme d’argent à un certain stade atteint par la production. Mais surtout, il faut créer l’existence d’ouvriers « libres » de toute restriction pour vendre leur force de travail, c’est-à-dire sans terres et sans moyens de production, d’ouvriers sans maîtres, de prolétaires ne pouvant subsister qu’en vendant leur force de travail. Le processus d’accumulation primitive du capital se caractérise par la séparation violente du travailleur de ses moyens de production : expropriation des paysans chassés de leurs terres, vol des terres communales, système colonial, etc.

   La recherche d’une augmentation de la plus-value et du taux de profit étant inhérente au capitalisme, il faut alors chercher à remplir les conditions d’augmentation de la plus-value : prolongation de la journée de travail (« plus-value absolue ») et la réduction de la journée de travail nécessaire (« plus-value relative »). Cela fait partie du processus d’accumulation du capital, c’est-à-dire la transformation d’une partie de la plus-value en capital constant et emploi de celle-ci pour produire de nouveau. On peut alors distinguer trois stades dans l’augmentation du rendement du travail : coopération simple, division du travail et manufactures et machines et grande industrie.

   Plus l’accumulation du capital augmente et plus de machines sont produites, chassant les ouvriers de leur travail et augmentant ainsi le chômage, créant « l’armée de réserve du capital ». La suite du processus d’accumulation (augmentation du capital=augmentation du chômage) c’est l’augmentation de l’exploitation et le renforcement de deux pôles : richesse et misère.

   L’usage des machines, de la technologie développe rapidement la production. Combinée avec le crédit, elle provoque des crises de surproduction de plus en plus rapprochées.

   Quand l’écart entre capital constant et capital variable augmente en faveur du capital constant (mécanisation importante, plus grande composition organique), le taux de profit diminue. Quand c’est le contraire (plus faible composition organique), il donne un taux de profit supérieur.

   C’est pourquoi sous le capitalisme il y a une chute tendancielle du taux de profit selon Marx car la mécanisation entraîne le remplacement des travailleurs (et donc une baisse du capital variable) par des machines (et donc une augmentation du capital constant). Elle est tendancielle car elle peut être freinée par la baisse de la valeur des machines (et donc du capital constant) et/ou l’augmentation du taux d’exploitation (ou taux de la plus-value).

flechesommaire2   flechedroite